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Le boom du tourisme en Antarctique accélère la fonte du « continent blanc »

Alors que le nombre de touristes a connu une progression fulgurante depuis dix ans, le continent immaculé, qui suscite un intérêt croissant parmi les chercheurs, se dégrade peu à peu.

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Win11, toujours pas respectueux de la vie privée

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Windows 11 : cette fonction IA est toujours une catastrophe pour la vie privée, Microsoft n'y arrive pas

The Register nous dévoile que Recall, la fonction IA qui capture automatiquement l'écran du PC pour effectuer des recherches, est toujours un danger pour la vie privée.

^{Nassim Chentouf (Les Numériques)}

« Les hyper-riches propagent une surconsommation écocidaire » - Hervé Kempf

Les hyper-riches de ce monde font obstacle à une société véritablement écologique. Hervé Kempf, fondateur du média indépendant Reporterre, fait paraître en bande dessinée, avec Juan Mendez, une version actualisée de son livre paru en 2007, Comment les riches détruisent la planète (Seuil). Il estime que les hyper-riches déteignent sur l’ensemble de la société par un phénomène d’imitations successives, et voit dans la réduction des inégalités le principal levier d’action du combat écologique à mener. Entretien.

Laurent Ottavi (Élucid) : Qu’entendez-vous par « hyper-riches » ? En quoi se distinguent-ils aujourd’hui de ce qu’ils ont pu être par le passé ?

Hervé Kempf : Je me base sur la définition de la richesse donnée par l’Observatoire des inégalités qui l’établit par symétrie avec la définition de la pauvreté. Le riche est celui qui gagne, seul après impôt, plus du double du revenu médian. Or, dans un pays comme la France, ce revenu médian est de 2 028 euros par mois selon l'Insee. Le riche français est donc quelqu’un qui gagne plus de 4 000 euros par mois après impôt. Ces personnes riches constituent environ 10 % de la population.

L’hyper-riche (1 % de la population), lui, gagne plus de 10 000 euros par mois. On peut encore déterminer deux groupes parmi ces hyper-riches, les 0,1 %, qui gagnent plus de 28 000 euros par mois, et les 0,01 % qui gagnent plus de 80 000 euros par mois.

Les hyper-riches profitent d’un système de domination qu’ils cherchent à maintenir. Mon travail, plus précisément, a consisté à montrer comment s’est constituée une caste d’hyper-riches qui engendre des conséquences écologiques extrêmement importantes. La question de l’écologie est, de mon point de vue, sur le plan planétaire et en ce début de XXIe siècle, la principale question politique qui se pose.

Élucid : Pourtant, nous avons pratiquement tous, riches ou pas riches, un smartphone dans la poche qui est une aberration sur le plan de l’écologie. Que répondez-vous à ce type de contre-exemples ?

Hervé Kempf : Je réponds par la théorie de la rivalité ostentatoire de Veblen, l’inventeur du concept de la « classe de loisir ». Il l’a formulée à la fin du XIXe siècle aux États-Unis. Le pays connaissait déjà des taux très hauts d’inégalités (c’était l’époque dite des « barons voleurs »). Veblen a alors soutenu que l’un des traits de la nature humaine était la tendance à la rivalité symbolique les uns avec les autres. Elle n’est pas agressive ou inamicale et elle se manifeste dans notre mode de vie, dans nos vêtements, dans nos objets de la vie quotidienne.

Selon cette théorie, chacun cherche à marquer une supériorité, un prestige, une qualité supérieure par aux membres de sa propre classe. On retrouve ce comportement ostentatoire dans presque toutes les sociétés, dans toutes les sociétés hiérarchiques, c’est-à-dire constituées de classes. Veblen n’employait pas ce terme dans le sens marxiste, mais il admettait tout à fait qu’il y ait une hiérarchie de classes au sein des sociétés.

Les individus d’une classe ou d’une couche sociale trouvent ainsi le modèle qui leur permet d’assurer leur supériorité en imitant la façon de vivre de ceux de la classe située ont au-dessus de la leur. Ceux-ci sont eux aussi en proie à la rivalité ostentatoire et imitent ceux qui sont au-dessus d’eux, et ainsi de suite. Les personnes situées au sommet de cette pyramide, eux aussi engagées dans une très vive rivalité ostentatoire, définissent ainsi, selon Veblen, le modèle culturel qui imprègne, par imitations successives, l’ensemble de la société.

Au total, tout le monde cherche à atteindre le modèle de consommation exhibé par les plus riches, même si tout le monde n’en a bien sûr pas les moyens. Or, nous vivons dans une époque caractérisée par un niveau de richesse matérielle globale très considérable par rapport au XIXe siècle et aussi par une culture mondiale, qui fait que les modèles de consommation ont une portée planétaire. L’habitant de Manille et de Bogota, dès lors, sait très bien comment on vit à New York, à Londres et à Paris via la publicité, les voyages, les réseaux sociaux ou la télévision.

La surconsommation extrême du haut entraîne la surconsommation généralisée par un phénomène d’imitation. Nous sommes certes presque tous, d’une certaine manière, responsables du désastre écologique, mais le modèle de consommation qui conduit à cela est défini et répandu par les plus riches, avec un niveau de gaspillage donc d’impact écologique d’autant plus important que les inégalités sont grandes.

• « Les riches de l’Occident propagent au niveau mondial leur modèle de surconsommation, tout comme les plus riches au sein de chaque société. »

Vous parlez des « hyper-riches » puis vous mettez en relation une ville comme Bogota et une ville comme New York pour illustrer le phénomène d’imitation. Est-ce que vous parlez également des « sociétés riches » et pas seulement des individus ?

Il y a une oligarchie mondiale qui prend des proportions et des formes différentes selon les pays. J’ai raisonné jusqu’ici au sein des sociétés riches occidentales essentiellement. Vous trouvez à peu près la même situation en Allemagne, en Angleterre, en Italie ou en Espagne.

Si vous raisonnez par rapport au revenu médian au niveau mondial qui est difficile à calculer mais tourne autour de 600 euros, près de 40 % à 60 % des pays occidentaux font partie des 10 % les plus riches au niveau mondial. La pointe de la pyramide – les hyper-riches de l’Occident – et, on pourrait même dire pour simplifier la moitié des populations des sociétés occidentales qui les imitent, propagent au niveau mondial leur modèle de surconsommation, tout comme les plus riches au sein de chaque société.

Vous parlez d’un phénomène d’imitation, mais n’y a-t-il pas également des instruments d’influence, de formatage des opinions, d’influence des lois ?

Le pouvoir de la domination économique se traduit dans tous les autres types de pouvoir. Les principaux sont les capacités à influencer la politique, soit en intervenant directement, soit en faisant en sorte que les dirigeants soient en accord avec les valeurs fondamentales de la classe des hyper-riches, soit en influençant l’opinion publique (notamment par la possession de la majorité des médias).

Si le phénomène d’imitation des hyper-riches génère une surconsommation généralisée, comme vous l’avez dit précédemment, et si, comme vous le dites maintenant, le pouvoir de la domination économique se traduit dans tous les autres types de pouvoir, cela veut-il dire que la réduction des inégalités entraînerait mécaniquement des changements culturels allant dans le sens d’une société écologique ?

Oui. Si nous réduisons la capacité de gaspillage et de surconsommation des hyper-riches, ce modèle culturel de consommation ne sera plus possible, et il sera donc plus sobre, beaucoup moins dispendieux et avec une empreinte écologique bien moindre.

Cette réduction des inégalités a-t-elle encore des chances, à vos yeux, d’être atteinte par le biais de réformes ?

En tant que journaliste, je m’appuie essentiellement sur des analyses de chercheurs, d’historiens, de scientifiques. Il y a un débat entre, d’un côté, un historien des inégalités, Walter Scheidel, et de l’autre, l’économiste Thomas Piketty.

Le premier soutient qu’une société qui atteint un niveau extrêmement élevé d’inégalités n’a les moyens de sortir de ces situations que par des voies qui sont, hélas, très douloureuses. Il appelle cela « les quatre cavaliers de l’Apocalypse » : les pandémies (la peste noire de 1348 par exemple), la faillite de l’État, la Révolution (1917 par exemple, en Russie) ou la guerre de masse (les deux Guerres mondiales ont entraîné une forte réduction des inégalités).

Thomas Piketty a, lui, une vision beaucoup plus optimiste. Il pense que des mobilisations démocratiques et sociales permettront de sortir pacifiquement de la situation d’inégalités extrêmes dans laquelle nous sommes. J’espère que Piketty a raison, mais je pense que le point de vue de Walter Scheidel mérite considération.

• « La caste des milliardaires est aveugle face à la situation écologique, et sourde à la dureté de la situation dans laquelle se trouve une très large partie de la population. »

Est-ce farfelu d’imaginer des très riches renoncer à leurs modes de vie au vu de la situation sociale et écologique ?

Je suis très sceptique. La caste des milliardaires veut perpétuer ses privilèges. Elle est aveugle face à la situation écologique, et sourde à la dureté de la situation dans laquelle se trouve une très large partie de la population mondiale. Cela va vraisemblablement générer de la violence. Le revirement que vous évoquez a cependant quelques exemples, comme le mouvement « tax me now », porté par des hyper-riches qui demandent à être davantage taxés. Toutefois, ils ont une place marginale au sein de l’oligarchie et leur capacité à entraîner la classe opulente est très limitée.

Pourquoi utilisez-vous le terme d’oligarchie, qui est d’ailleurs le titre d’un autre de vos livres (L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie !, 2011, Seuil) ?

Ce livre a permis de réintroduire, aux côtés d’une poignée d’auteurs, ce concept comme catégorie d’analyse politique. Il était quasi sorti de l’analyse politique en ce qui concerne les sociétés occidentales.

Les penseurs grecs utilisaient pourtant trois grandes catégories pour définir la façon dont les sociétés sont gouvernées : la démocratie (qui est, en principe, le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple), le despotisme (dictature, tyrannie ou la monarchie, soit le gouvernement d’un seul) et l’oligarchie. Cette dernière correspond au gouvernement par un petit nombre de gens, parfois en désaccord, parfois en rivalité, mais qui vont déterminer, une fois que leur accord sera scellé, ce qui va s’imposer à l’ensemble de la société.

Je remarque que pas moins de deux présidents américains, Jimmy Carter et Joe Biden, ont déclaré que nous étions devenus une oligarchie (tous les deux après ou au terme de leurs mandats !). Il subsiste des possibilités d’actions démocratiques mais, globalement, la classe dirigeante, dans sa volonté d’exercer un pouvoir maximal et d’exercer ses privilèges, a subverti la démocratie, ce qui se manifeste par le contrôle très large des médias et des options politiques admises comme légitimes.

Les élections sont largement pipées quand trois quarts des médias (ou plus, selon le critère retenu) appartiennent à des milliardaires ou à des puissances financières. En France, la presse est à droite aux quatre cinquième alors que la droite (qui regroupe macronistes, Républicains et extrême droite) ne pèse pas autant. De même, aux États-Unis, Trump a pu gagner en 2016 et en 2024 grâce notamment à l'appui de Fox News, qui donne une orientation très forte à l’actualité et met en scène des débats très biaisés.

• « La politique des capitalistes est contraire à l’intérêt général qui est de favoriser un équilibre écologique satisfaisant les principaux besoins quotidiens. »

Est-ce que le contrôle croissant qu’exercent ces hyper-riches traduit la faiblesse d’un capitalisme en même temps triomphant ? Pour le dire autrement : est-ce que cela révèle que le colosse a un pied d’argile ?

D’une certaine manière, c’est le cas. Je ne sais pas si le capitalisme est « blessé », mais nous assistons de façon évidente à la fin d’un cycle historique. Le capitalisme est incapable de répondre aux besoins communs de l’humanité alors que cela a peut-être été le cas par le passé.

Rien notamment n'est fait pour réduire les inégalités. Trump, le meilleur représentant du système oligarchique, a imposé un budget au Congrès qui comprend de nouvelles réductions d'impôts sur les très riches et sur les entreprises. Le Parlement français, lui, a refusé la taxe Zucman qui consiste en un prélèvement sur le patrimoine des foyers fiscaux possédant plus de 100 millions d'euros.

La politique des capitalistes est contraire à l’intérêt général qui est de favoriser un équilibre écologique satisfaisant les principaux besoins quotidiens. Le système économique devient clairement nuisible et toxique aujourd’hui. Ce constat est fait par un très grand nombre de citoyens du monde, ce qui conduit à la multiplication des émeutes, des révoltes, des contestations depuis les années 2000 (multiplication documentée par des chercheurs en sciences sociales). Face à cette contestation, les capitalistes radicalisent leur réponse médiatique, politique et répressive.

Par ailleurs, le capitalisme se maintient dans sa volonté de croissance matérielle maximale, car il est fondamentalement toujours à la recherche d’un profit inextinguible, ce qui a des conséquences écologiques profondes. D’où aussi une rivalité croissante entre les oligarchies nationales pour l’accès aux ressources, ce qui s’accompagne d’une militarisation. Cela se produit dans un contexte où chaque pays essaie de détourner la colère populaire – qui logiquement s’orienterait contre les capitalistes – dans un sens xénophobe et nationaliste, ce qui génère aussi des tensions. L’ensemble crée une montée de la conflictualité au sein des pays et entre les pays.

Face à ces sombres perspectives –et vous avez aussi cité les guerres de masse parmi les quatre causes de la réduction des inégalités dans l’Histoire –, n’y a-t-il d’autre remède que de réduire les inégalités à la fois au sein des sociétés, mais aussi entre les sociétés, ce qui implique une réduction de la consommation matérielle des habitants des pays riches ?

C’est la clé de tout. En changeant le modèle culturel lié à ces inégalités, on pourra aussi réduire la distance qui s’est creusée entre les sociétés riches et le reste du monde.

Le pire dont vous parlez ne doit pas faire oublier « l’autre pire » ou plutôt, le pire concomitant qui est l’aggravation du désastre écologique par le maintien de la même politique économique et globale. On a déjà atteint un réchauffement climatique important beaucoup plus rapidement que ne le prévoyaient les climatologues. Le dérèglement de la biosphère va interférer de plus en plus avec les actions humaines.

• « Les gens ont compris que l’écologie était un enjeu de la vie quotidienne et que la classe politique n’y répondait pas. »

La réduction des inégalités, vous l’avez montré à partir de Veblen, a des conséquences culturelles, mais n’y a-t-il pas aussi, en sens inverse, un combat culturel pour réduire les inégalités ? Quels sont les canaux privilégiés pour le mener ?

Je constate beaucoup d’évolutions positives depuis 2007, l’année de parution de Comment les riches détruisent la planète. La question des inégalités est revenue au cœur du débat public. La conscience de la gravité de la situation écologique a nettement progressé également, au point que, même quand des mouvements d’extrême-droite tentent de réalimenter un déni climato-sceptique, ils sont obligés de reconnaître la multiplication des vagues de chaleur. Les gens, de façon générale, ont compris que l’écologie était un enjeu de la vie quotidienne et que la classe politique n’y répondait pas.

De nouvelles façons de vivre se sont aussi répandues depuis 2007. Je pense à de nouvelles mobilités, au développement de l’agriculture biologique, à des coopératives, à des créations de groupes et de communautés qui vivent en dehors de la logique de surconsommation. On peut toujours rétorquer que ce sont des phénomènes marginaux, mais on sait qu’il y a un mouvement culturel ascendant.

Des médias indépendants, enfin, ont essaimé pour porter la bataille culturelle face aux médias dominés par des milliardaires qui soutiennent l’extrême-droite en sous-main ou même de façon très visible. Le mouvement féministe a aussi permis de comprendre que les mécanismes de la domination économique et politique jouaient dans les mécanismes de domination entre genres. C'est une autre évolution positive et extrêmement importante. Tout ceci nous permet de garder l'espoir que les forces émancipatrices l'emporteront au final.

Propos recueillis par Laurent Ottavi.

elucid.media/environnement/les…

« Les hyper-riches propagent une surconsommation écocidaire » - Hervé Kempf

Les dérives des hyper-riches déteignent sur l’ensemble de la société et font obstacle à une société véritablement écologique

^{Laurent Ottavi (Élucid)}